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7/ ATTRACTION

14 juillet / 34°C / Témoin : Louise / Durée : 2h

photo : Louise Lavauzelle

   14 juillet. Jour de fête nationale. Retour donc en toute logique sur la rue de la République. Le rituel de départ se fait dans un petit square à proximité, très sympathique. Je me répète si je dis qu'il fait chaud ? Anahi ne pourra plus m'accompagner pour les processions... Louise, une amie, me fait le plaisir d'être dans le rôle de témoin aujourd'hui et demain.

 

   Ce week-end, c'est LE gros week-end du festival, celui à ne pas manquer pour les compagnies. Sur la rue de la République, ça grouille de partout ! Tous les vingt mètres, des artistes de rues se produisent et tendent leur chapeau. Ici, à l'entrée de la rue, du hip-hop. Là, une danseuse classique et un peu plus loin, du break-danse. Entre les groupes de festivaliers qui s'agglutinent et regardent avec attention, les compagnies continuent à tracter. Il faut tenir bon !

 

   Queen Icarus fait tâche (tâche rouge) dans toute cette agitation, avec ses talons et sa musique qu'on n'entend même plus tant il y a de monde.

   Au sol, il y a toujours la ligne mixte et le fil rouge d'Ariane. Je sais où je vais ! Ce n'est pas si souvent. Je fais quand même un détour par le musée lapidaire dont la façade est immense. J'entre et découvre la collection archéologique qui y est présentée. Des corps sans tête et des têtes sans buste. Tout inscrit dans la pierre. Une statue représentant Athéna attire mon attention. Déesse grecque de la sagesse et protectrice des arts et des sciences. J'ai toujours été fasciné par les mythologies, en particulier grecque, égyptienne et aztèque. Leurs histoires, leurs créatures, leurs héros. Icare. Et comment à partir de leurs mythes, on peut encore questionner le monde.

 

   Je me demande de quoi parlait Statues, le spectacle d'André Benedetto... J'irai faire mes recherches.

 

   De retour dans la rue, on me demande si on peut me prendre en photo. Oui, allez-y. Je joue le jeu des poses, influencé par l'ambiance qui règne dans cette rue. Une ambiance de parc d'attraction qui ne me déplaît pas forcément. Les gens prennent plaisir à regarder et sans forcément le savoir embarquent dans le manège Queen Icarus, un manège sans ticket, sans queue du Mickey à attraper.

 

   Une jeune femme vient vers moi : Si je vous dis que vous n'êtes pas normal, vous me dîtes quoi ? Je lui souris.

 

   Un vieil homme m'accoste en me dépassant : Je peux tirer ? Votre fermeture éclair ? Je peux tirer ?

   Il fait référence aux curseurs des trois fermetures de la combinaison qui pendouillent au niveau de mon entre-jambe. Bien culotté le monsieur ! J'ai dit pas de queue du Mickey à attraper dans mon manège ! Louise lui demande : Vous aimeriez qu'on vous ouvre la braguette dans la rue ? – Non, mais lui c'est un spectacle !

   …

 

   Sur la place de l'Horloge, il y a deux fois plus de monde que la dernière fois. Ça se bouscule entre les marchands de ballons et ceux de barbe à papa. Je passe devant la mairie. Une immense banderole bleu blanc rouge est affichée à l'occasion du 14 juillet. « Liberté, égalité, fraternité » peut-on y lire, suivi du premier article de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ».

 

   J'arrive à proximité du carrousel. Je prends un ticket et monte sur un cheval blanc. Je suis mon propre prince qui vient me délivrer mon de propre donjon.

 

   Avignon est une attraction. Entre les montagnes russes et le train fantôme. Le festivalier vogue de spectacle en spectacle, comme on passerait des auto-tamponneuses au Space Mountain, à la recherche de nouvelles sensations. « Mille spectacles, mille émotions » nous promet le programme du Off... en en oubliant cinq cents.

   Avignon est une attraction et les artistes achètent leur ticket à des prix monstres. Ça se donne le vertige, ça se fait peur. Parfois on y prend du plaisir. Parfois c'est à vomir. Parfois on refait un tour. Parfois les wagons déraillent et les nacelles tombent.

 

   Je finis mon parcours comme la dernière fois, au Palais des Papes, après avoir tourné en rond sur un destrier de bois. Désolé princes et princesses, je n'ai pas trouvé la tour.

Le Palais, lui, est toujours là. Rituel de fin.

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