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Procession in Avignon

Procession in Avignon résulte de deux expériences.

La première est celle vécue en octobre 2017 à l'occasion de la performance Procession for Queen Icarus* présentée au festival des Expressifs de Poitiers. La performance prône le droit à l'errance et l'acceptation de nos moments de perdition. Dans les rues de la ville, une silhouette rouge et couronnée déambule, attirée par un indicible quelque chose. La marche est lente et étirée, la créature fragile. Les regards des passants s'arrêtent, se posent, se braquent ou dévient. Les yeux sont étonnés, rieurs, tendres, moqueurs, fascinés ou fuyants. Tous étaient différents et justes à la fois. Je ne m'attendais pas à ce que ces regards aient autant d'impact sur moi. Dans la rue, le statut du regard est bien différent que dans une salle de spectacle où il est convenu de regarder ce qu'il y a sous nos yeux. Dans la rue, le regard devient une considération. Une attention portée dans le quotidien. Et dans mon errance, chaque regard était un phare vers lequel je pouvais voguer. C'était peut-être cela, l'indicible quelque chose : le regard. Pour que Queen Icarus soit considérée.

La deuxième expérience est celle du festival d'Avignon. J'y participe depuis plusieurs années en tant que spectateur ou stagiaire dans les théâtres. J'y ai vécu de grands moments de spectacle que ce soit dans le IN ou dans le OFF. Mais toujours, chaque année, il y a quelque chose qui me fascine et m'interroge : les parades. Pendant près de trois semaines, d'innombrables artistes parcourent tous les jours les rues de la cité des Papes en chantant ou hurlant à qui veut l'entendre de venir voir leur spectacle.  Certains le font en costumes et brandissent leurs affiches tandis que d'autres assènent le touriste-spectateur de tracts aux visuels plus ou moins réussis. Le tract. Cette affiche miniature est le reflet direct des problématiques des compagnies du OFF; c'est la question de la visibilité. Une question de survie pour la plupart des artistes présents, qui investissent énormément d'argent (dans une salle, dans des logements...) pour présenter leurs créations et espérer être repérés par des programmateurs. Pour rentabiliser et faire face à la concurrence (près de 1500 spectacles en 2017), il faut alors sortir des salles pour se montrer, se démarquer, attirer et se rendre visible pour exister.

Entre les deux expériences se forment des ponts que j'ai envie de traverser. Que raconterait la déambulation de Queen Icarus dans les rues d'Avignon pendant le festival ? C'est ma condition de jeune artiste au sein du système du spectacle vivant que je souhaite interroger par cette performance. Et il est toujours question d'errance ; j'ai terminé mes études depuis peu et je ne sais pas par où commencer pour me lancer professionnellement. J'avance à tâtons et souvent je rebrousse chemin de peur d'échouer.  Comment rendre visible mon travail ? Là-bas, il y a Avignon où tout se passe, où tous tentent de rendre visible le leur. Faut-il y aller, à Avignon ?

Mais que faire quand on ne se reconnaît pas dans ce système : un IN innaccessible et un OFF qui demande de débourser des mille et des cents pour pouvoir se produire. Quel est mon statut si je ne peux pas / si je ne veux pas m'inscrire dans ce système de marché aux spectacles ?

Procession in Avignon propose de soulever ces questions en se rendant directement sur place. À la manière des fameuses parades, Queen Icarus déambulera dans les rues de la ville tous les jours du festival 2018. Mais sans spectacle à proposer. Pas de tracts. Pas d'affiches. Aucun regard posé sur ce corps couronné ne pourra aller plus loin que ce que le corps propose.

Ni dans le IN, ni dans le OFF. Queen Icarus est OUT. En dehors. En marge, mais présente !

Ce site internet me permettra de retracer le chemin parcouru jour après jour. De coucher par écrit mes ressentis , mais aussi de garder une trace des événements, des accidents et des interrogations qui auront surgi. Un journal de bord en somme.

Lors de cette expérience, j'irai également à la rencontre d'artistes programmés (IN et OFF) afin de connaître leur propre expérience du festival. Savoir à quoi ressemble leur procession artistique avignonnaise et comment gèrent-ils cette cruciale question de la visibilité.

Matthias Bardoula

* Deuxième volet de la saga Queen Icarus, série de spectacles inspirée du mythe grec d'Icare

 

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